Prise de parole de Nicolas Escach lors de la labellisation de L’inn.attendue comme huitième maison de l’Écologie culturelle.
« Bienvenue à L’inn.attendue dans le réseau des maisons de l’Écologie culturelle !
Comment est né le réseau des maisons et quel est son but ? L’une de nos inspirations a été la création des maisons de la culture par André Malraux. Dans un contexte d’après-guerre où il est nécessaire de refaire Nation et de recréer de la cohésion, celui-ci propose le déploiement de lieux d’éducation citoyenne et populaire qui seront des incarnations concrètes de la démocratisation culturelle, de la diffusion de la culture sous toutes ses formes et d’une aspiration à une décentralisation géographique à l’époque où Paris s’oppose au désert français.
Nous avons, comme au début des années 1960, besoin de maisons. Nous vivons des années 0, l’Anthropocène nous transforme en Janus : exaltés ou angoissés, mais en décalage constant avec nous-mêmes et avec nos aspirations les plus profondes.
À la frustration des agriculteurs, des ouvriers, s’ajoute celle des employés, des classes moyennes. Nous vivons une société de l’écart et la protestation contre l’écart n’a pas encore trouvé un cadre apaisé pour sa parole. Dans une maison, de l’intime, de la chaleur, de la communion, de l’intégrité, mais pas d’écart.
Les maisons de l’Écologie culturelle sont des lieux pour réapprendre à habiter. Pour que nous puissions enfin être là où nous sommes, sans écart. Ce sont des foyers, au sens citoyen du terme. En suédois, le mot « État-providence » et le mot « foyer » est le même : « Folkhem ». Dans les maisons, nous renouons avec la tradition républicaine des célébrations, des rituels, des carnavals. Nous disons : « nous existons ensemble ! », « nous demeurons ensemble ! ».
Ces célébrations d’un nouveau genre ont trois buts :
- Re-présenter ce qui nous entoure et nous échappe pour nous l’approprier, pour nous le rendre familier, pour retrouver prise, pour donner une direction au flou et apprivoiser l’incertain.
- Réparer nos blessures, nos frustrations, nos crispations identitaires et mémorielles, les séismes de nos trajectoires et de nos territoires.
- Rétablir nos puissances d’agir, notre confiance, restaurer nos places et nos légitimités.
Il peut paraître étonnant d’incarner l’espace public le plus ambitieux par une maison. Nous avons besoin pourtant de cesser de nous répandre pour apprendre à accueillir. L’accueil est le vrai levier de l’écologie : accueillir ses rêves, la douleur, le vivant, le vécu, la transmission, l’émotion, l’étrangeté, l’étranger, l’impromptu. Les murs porteurs mais la porte ouverte.
Le réseau des maisons est à la fois :
- Un espace pour documenter la diversité des territoires, leur histoire, leur personnalité, la succession de leurs transitions.
- Des lieux d’émergence d’une pensée pratique à travers des manifestes, des tribunes, des performances, des actions civiques et citoyennes.
- Une plateforme de création et de diffusion pour des artistes, chercheurs, artisans, nouveaux activistes, enseignants.
- Un réseau national dont les activités sont relayées sur notre site internet et dans notre newsletter.
Lunas est un lieu particulier pour l’éducation à l’environnement. Ici est né Max Fourestier, médecin, hygiéniste, créateur des « classes de neige » dans les années 1950. Celles-ci sont conçues comme un « mi-temps pédagogique et sportif ». Il développe également des classes en forêt et déclare vouloir remplacer sur le fronton des écoles « liberté, égalité, fraternité » par « études et santé dans le bonheur ».
Edmond Blanguernon, poète et inspecteur d’académie qui imaginait dès le début du XXe siècle des « classes-promenades », disait : « il y aura toujours des maladroits pour faire, avec les choses les plus vivantes et les plus claires, du noir, de la somnolence et de l’ennui. C’est que l’image n’est pas la vie, si belle qu’elle soit. C’est tout au plus de la vie figée et incomplète ».
L’Anthropocène a rendu morne toute chose, créant partout des possibles empêchés. Les maisons de l’Écologie culturelle sont là pour rétablir la vie en sol appauvri, passer du terrain au terreau ».
Nicolas Escach, cofondateur de l’Écologie culturelle, directeur du Campus des Transitions (Sciences Po Rennes, Caen).