L’été: des piqûres… des rappels.

par | Sep 12, 2023 | Idée | 0 commentaires

Valery Hache/AFP/Getty Images

Si la météo nous a miraculeusement épargné ces derniers mois quand tout le reste de l’Europe voyait ses forêts décimées par les flammes, l’été semble, années après années, prendre un nouveau goût, et il n’est pas prêt de changer.

L’été comme piqûres de rappels: de chaleurs, de moustiques tigres, d’inégalités. Les pieds ou les têtes dans le sable? S’échapper ou s’échiner?… Clim ou pas clim, vacances ou pas vacances, avion ou pas avion, avec ou sans mégabassines? Fraise, pistache ou caramel la glace? L’été révèle au soleil une photographie saturée des problèmes pourtant repoussés loin, dans un coin de notre tête le temps d’un séjour à la plage. 

Pourtant, ralentir, vivre en petit groupe d’amis, en famille, en festival, en camping, en itinérance, à beaucoup moins dans les grandes villes dépeuplées: peut-être est-ce là une esquisse de notre société des prochaines décennies. Une nécessité saisonnière de changer nos comportements et d’adopter, de manière contrainte ou volontaire, une nouvelle culture adaptée à des enjeux naturels. Changer son rythme de travail, d’alimentation, de vie et de sommeil: nous le vivons désormais dans notre notre chair.

Finalement, être obligé de vivre avec la Nature et ses contraintes, faire avec l’existant et dans l’urgence, s’adapter mais aussi négocier et partager des ressources limitées tout en essayant de faire la fête, de découvrir le monde et de prendre soin de soi et de ses proches… N’est-ce-pas là tout l’enjeu de ce qui nous attend? 

« Jouissez sans entrave », entend-on depuis Mai 1968. Il est peut-être temps de dépasser ce jaillissement de liberté qui faisait certes sens il y a 50 ans, mais qui n’est devenu que la devise d’un système économique qui ne fonctionne plus que sur cette pulsion qui se trouve en chacun.e de nous. Il n’est plus possible de profiter de la même manière, quel que soit le domaine (économiquement, personnellement…), car le profit/plaisir de quelques-uns se fait au dépend de tous.te.s.

« Jouissez malgré vos entraves »: tel est l’immense défi que l’été, LA période dédiée au plaisir et au lâcher-prise, nous jette à la figure. Comment prendre des vacances sans compromettre celles de ses enfants? Comment profiter tout en sachant que d’autres n’ont pas de temps libre? Comment se baigner dans la même mer où s’asphyxient au même moment migrant.e.s et poissons? Comment profiter des paysages qui ne sont déjà plus ceux de notre enfance, et que nos enfants ne verront qu’en photos? 

Répondre (et vite) à ces questions est nécessaire si nous voulons bien vivre, et pas seulement survivre à la crise écologique. Enlever le plaisir et la jouissance de ces équations est impossible quand ce n’est pas contre-productif. Il faut apprendre à avoir du plaisir dans un monde contraint, fini et imparfait.

Jouir peut encore vouloir dire résister, mais plus uniquement pour sa petite personne : pour les autres, pour notre vulnérabilité, pour tout ce que l’on veut tant que c’est plus grand que soi.

Finalement, ce sont peut-être les vacances qui nous donnent les meilleures leçons…

                                                                Clément Descarrega